Les ponticauds

société de pêche et de tourisme

 

Affiche de René Rousseau, 1954

Cette société, qui reste encore aujourd'hui très active, même si elle a depuis longtemps renoncé à sa vocation "touristique", fut fondée en 1926 et avait alors son siège place Jourdan, au Comptoir Lyonnais. Les statuts (voir ci-dessous), imprimés à 1000 exemplaires, stipulent que (art. 2) "La Société a pour but de défendre les intérêts des pêcheurs à la ligne ; d'étudier et d'accroître la richesse piscicole des cours d'eau, notamment du département de la Haute-Vienne ; de favoriser le développement du sport de la pêche ; de connaître les sites intéressants et de procurer  à ses membres, par la vie au grand air, des distractions saines et agréables". En 1926 la cotisation annuelle est de "6 francs pour les hommes, 2 francs pour les dames et les enfants de moins de treize ans". On craignait sans doute certains débordements des discussions en assemblée sur des questions politiques, s'il est vrai que l'art. 5 précise que "Toute discussion étrangère aux buts et aux intérêts de la Société est formellement interdite".

      Les deux premiers articles des statuts de la société (1926)

 Mr. Rivaud en fut le premier président. Les registres de l'association, recopiés dans une période récente par un membre diligent (voir ci-dessous pour les années 1926-38) nous apprennent, que la première année l'association organisa un concours de pêche à Limoges, une sortie champêtre à Saint-Priest Taurion et réalisa un char du carnaval. En 1927elle organise un concours à l'Aiguille, dont le premier prix est un vélo. En 1930, la société lance une souscription pour engager une procédure contre un "empoisonnement"  industriel de la Vienne. Mais, à la fois, on paie 25 f. la capture d'une loutre (concurrente des pêcheurs !). A partir de 1931, on note des paiements réguliers pour des fanfares, accompagnant le défilé des pêcheurs les jours de concours : la Diane, l'Alouette, la Lyre, la Martiale, de Limoges, etc. Une partie des frais est engagée régulièrement dans l'alevinage. C'est 1933 qu'est achetée la bannière qui, cette année encore (2006) va être arborée durant le défilé prévu pour les 80 ans de la société. De 1937 on a conservé le menu alléchant et apparemment fort abondant du restaurant Basthier lors de la sortie à Pierre-Buffière le 20 août. 

 

Défilé du concours de 1952. Carrefour des quais Louis-Goujaud et Saint-Martial

on aperçoit André Mérigou à gauche du porteur de la bannière

Collection Association Les Ponticauds

Le concours de l'année 1954 (premier "concours de la pêche au coup limousin"), alors que la société était sous la présidence du très populaire André Mérigout, fut particulièrement réussi, qui vit la participation de 350 pêcheurs et la pêche de bien 16 kg de poisson. Voici une partie du compte rendu publié dans le Populaire : "Après le tirage au sort, terminé à 8 heures, les concurrents se plaçaient derrière les panneaux à la couleur de leurs secteurs. Malgré la pluie, l'optimisme était de rigueur, et l'optimisme des 350 pêcheurs, en tête desquels l'Harmonie de la S.N.C.F ouvrait la marche avec entrain, empruntait la rue Adrien-Dubouché, puis l'avenue de la Libération. Au balcon de la préfecture, Mr Briand, préfet de la Haute-Vienne, saluait les champions [...] Par la rue Jean-Jaurès et le boulevard Louis-Blanc, le défilé arrivait à l'hôtel de Ville, où Mr Betoulle, maire, saluait à son tour, les participants à notre championnat régional. [...] à 8h 45, au Pont-Neuf, à l'entrée du quai Louis-Goujaud, avait lieu l'attribution des secteurs, au nombre de quatre. Et tandis que les pêcheurs des "points" Mapataud, Pont-Neuf et Poisson-Soleil, gagnaient, à pied, leurs emplacements, deux cars emportaient au Poudrier (secteur rouge) les concurrents que les caprices du sort envoyaient en amont de Limoges. C'est dans ce plan magnifique qu'allaient être sortis les deux premiers prix. Le secteur Mapataud, réputé dangereux (que de premiers prix remportés en cet endroit !) n'allait pas tenir ses habituelles promesses. Le Poisson-Soleil, honni d'une manière générale par les spécialistes de la pêche au coup, allaient par contre créer les surprises de la journée. les 3e, 4e, 5e prix étaient, là, sortis de l'onde. [...] Quatre centres de pesage avaient été prévus : chez M. Mérigou, au Clos Sainte-Marie ; au bureau de tabac du Pont Saint-Etienne ; au bar des acacias, au Pont Saint-Martial ; au bar-restaurant du Poisson-Soleil. La pesée eut lieu dans la plus grande animation. A midi 30 tout était terminé. Les 16 kg de poisson capturés étaient remis à l'Asile des Petites Soeurs des Pauvres, chemin de Nazareth. Ils devaient améliorer le menu des 150 vieillards qui y sont hospitalisés".

Les défilés des concours de pêche est une vieille tradition, s'il est vrai que déjà le 30 juin 1907, le Petit Journal en organisait un qui fit parcourir aux participants un itinéraire conduisant du Champ-de-Juillet aux bords de Vienne. Ce concours du reste fut une grande réussite, au moins en nombre de pêcheurs inscrits (1700), car la pêche fut tout sauf miraculeuse (10,5 kg de poisson). Voir Monteaux, Alain; Jouhaud, J., Nexon, J., Robert J., Teissandier G., Cartes postales de Limoges, t. 1, Limoges, Editions Matus 87, 2003, p. 125 sq.

Concours de 1954, rive gauche (devant le Clos Sainte-Marie)

Collection Association Les Ponticauds

 

Concours 1955. Pesage. Le point rouge désigne Louis Defaye et le bleu Paul Barrière (président de 1956 à 1978)

Collection Association Les Ponticauds

L'association organisait également, et organise toujours, des concours de pêche pour les enfants, dès 1952, mais elle renouait ainsi avec une plus ancienne tradition, puisque Roger Faure (voir son témoignage) y participa avant guerre.

Défilé du concours de pêche pour enfants 1953. Avenue Henri-Dumont. Fanfare du Palais

Collection Association Les Ponticauds

L'association joua un grand rôle dans l'assainissement des eaux de la Vienne et des ruisseaux affluents et contre la pollution. Il nous a paru intéressant de reproduire un article de 1957 signé Charles Rivet dans le  Populaire, consacré à ce sujet.

 

« Les Ponticauds » société de pêche, riche de 1800 membres, se préoccupent de l'assainissement des eaux de la Vienne

Le 20 janvier dernier, la société de pêche  « Les Ponticauds », tenait son assemblée générale. parmi les nombreuses questions qui y étaient débattues et se concrétisaient sous forme de voeux, l'une d'elle devaient retenir plus particulièrement de nombreux limougeauds.

« Les Ponticauds » s'adressant à toutes les sociétés de pêcheurs, de sport ou de tourisme de notre ville, demandaient qu'il soit envisagée la création d'une association pour l'assainissement de la Vienne et des cours d'eau de notre ville.

Initiative excellente, qui a rencontré partout un excellent accueil. Nous avons appris d'ailleurs que le groupement des sociétés de pêche de notre ville, représentant dans sa presque totalité les sociétés et totalisant 18.000 pêcheurs, l'avait mise à l'étude pour la faire sienne. c'est dire qu'elle doit, dans les semaines à venir, prendre toute sa force et sa valeur en se concrétisant.

Il nous a semblé intéressant pour nos lecteurs d'obtenir quelques précisions sur ce projet et, pour cela, nous nous sommes adressé au sympathique président des « Ponticauds », M. Paul Barrière.

 

De la bêche à la canne à pêche

C'est dans son jardin de la rue d'Auzette, que j'ai pris contact avec M. Paul Barrière. Il donnait à manger à ses lapins, mais il n'oubliait pas l'ouverture de la pêche à la truite et, dans une cuvette, sous une couche de mousse, des vers grouillaient, ignorants du sort qu'il leur était destiné.

Paul Barrière est un homme actif. Ce facteur, habitué à la marche, est non seulement président des Ponticauds, mais il est aussi trésorier du groupement. D'autre part il connaît la question, puisque né sur le bord de l'Auzette, il habite à quelques mètres de la Vienne.

« Notre idée, concrétisée par la résolution que vous connaissez, n'est pas née spontanément. Elle a été longtemps étudiée et réfléchie, et c'est parce qu'elle répond à une profonde nécessité qu'elle doit grouper autour d'elle tous ceux qui sont intéressés à la propreté de nos cours d'eau.

» Il ne s'agit pas seulement de la Vienne, mais aussi de l'Aurence, de l'Auzette et de la Valoine.

» Nous sommes bien placés pour nous rendre compte de l'état des eaux, transformées par le tout-à-l'égoût. D'autre part les barrages ont fait de la Vienne une rivière aux eaux mortes. Les crues de jadis la balayaient, la nettoyaient, et les aux rapides emportaient les produits nocifs.

» Aujourd'hui la situation est tout autre. Les détersifs employés à dose massive tuent les poissons et rendent inopérants les efforts d'alevinage.

» Il faut un temps où, entre le Pont-Neuf et le Pont Saint-Etienne, du côté du quai Louis-Goujaud, on était sûr de faire pêche. Aujourd'hui, c'est inutile de s'y rendre ; il n'y a plus rien.

» Un projet de construction d'une usine de traitement des eaux usées est, dit-on, dans les cartons. Cette usine renverrait à la Vienne des eaux neutres et, ainsi, la pollution disparaîtrait. Mais quand sera-t-elle édifiée ?

 

Des eaux dangereuses

» La voiture-analyse dont le département a été doté, a fait des prélèvements significatifs. Au Palais, à Condat, l'eau est bonne, mais dans la traversée de Limoge, elle ne vaut rien et pourrait être néfaste pour les baigneurs.

» J'ajoute qu'il y a, à plusieurs endroits de la Vienne, des endroits dangereux, même pour les riverains. La tanche, qui aime pourtant la vase, n'y peut y vivre. Des mesures sont donc nécessaires.

» Pourquoi ne pas envisager la construction d'un « barrage de nettoyage»  en amont de Limoges ? En lâchant les eaux, il contribuerait à nettoyer la rivière, comme on le fait pour les rues, à la sortie de l'hiver, lorsqu'elles sont salies par le mâchefer ou le gravier jetés les jours de neige ou de verglas ?

» Je pense qu'il y a là une solution générale, sans que cela exclue d'autres moyens, tels que le nettoyage des abords et du lit. Une confrontation d'idées avec tous les gens intéressés s'avère donc indispensable, et c'est pour cela que nous avons émis ce voeu.»

 

Pauvre Auzette !

Notre entretien était terminé. j'ai accompagné Paul Barrière à son domicile et nous avons franchi l'Auzette sur le pont situé presque à son embouchure. Nous n'avons pu nous empêcher de jeter un coup d'oeil sur ce ruisseau que nous connaissons bien tous les deux. Ce ruisseau qui roulait jadis des eaux claires et joyeuses, ce ruisseau où beaucoup ont fait des pêches magnifiques. Aujourd'hui, des objets de toute sorte encombrent son cours, et les empoisonnements répétés ont eu raison de tous les poissons.

l'Auzette est le symbole du ruisseau à assainir, à nettoyer et à realeviner. Peut-être alors pourra-t-on y refaire de belles pêches, comme celles de jadis évoquées par Paul Barrière en me montrant un coin où "Bujaraud"  avait sorti une truite qu'on n'est pas prêt à oublier dans le quartier.

Ch. Rivet

 

 

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