Ce site a pour vocation la
présentation d’un travail de collectage et de documentation en cours
sur la mémoire du quartier des Ponts à Limoges à travers la question
de ses langues.
La
définition de l’étendue exacte du quartier des Ponts à Limoges est
source de discussions et de controverses infinies, qui intéressent
directement notre sujet, car l’accent, au moins pour une longue
période, peut servir de critère de délimitation. Pour notre part nous
lui accordons la plus grand amplitude possible, en parlant sur l’autorité
de Suzanne Dumas : « … ensemble prolétaire qu’on
désignait dédaigneusement par le terme général « les
Ponts » : Pont Saint-Etienne, Pont Saint-Martial, Pont Neuf
et Petits Ponts (l’Auzette en effet, passe sous la route de Toulouse
grâce à deux ponts, peu visibles de la chaussée, d’où leur nom).
(…) croyez-moi, les nantis ne logeaient point dans le
secteur ». Suzanne Dumas, La Ponticaude à l’Ecole, p. 184-185.
Nous
nous intéressons d’abord ici à la mémoire, trop souvent refoulée
dans la littérature et les travaux d’histoire moderne et
contemporaine, de la présence intense de l’occitan (dialecte
limousin) dans le quartier des Ponts et dans l’ensemble de l’espace
urbain de Limoges, jusqu’à une époque dont les anciens se
souviennent encore fort bien. Ecoutons-les, : ils ont
beaucoup à nous apprendre sur notre ville et ce passé proche, à
portée de leur mémoire vive, car à travers la question de la langue,
et bien sûr de l’accent, c’est toute la vie du quartier qui est
impliquée, toute la vie sociale et culturelle d’un quartier bien
particulier, à la fois distinct de la « ville » et de la
campagne, riche d’une culture ouvrière et de ses racines paysannes,
avec ses solidarités et ses tensions (il y a « pont et
pont », une rive et l’autre, Clos Sainte-Marie et Puits-Lanaud,
etc…), étroitement associé aux luttes qui ont fait de Limoges la
« ville rouge » que l’on sait, marqué par la présence de
l’Université des Ponts, caractérisé aussi par des métiers aujourd’hui
disparu (naveteaux, blanchisseuses), des activités liée à la Vienne (flottage,
blanchisserie, pêche, extraction du sable, sports aquatiques) et des fêtes
mémorables (Carnaval, Saint Jean...) Nous recueillons la parole des
anciens habitants du quartier, mais aussi de la « ville » et
de Panazol tout proche, dans le souci de mesurer en quoi il a pu exister
(et existe encore ?) quelque chose comme une identité ponticaude,
et comment il est possible de l’approcher du dehors aussi bien que du
dedans.
Cette enquête sur la
mémoire de l’occitan limousin [1]
et, tout aussi bien, du français des Ponts,
n’est que le premier volet, d’un projet plus ambitieux – qui
n’en est encore qu’au stade de la prospection –
sur la présence, dans le même quartier (en
"remontant" jusqu'au Sablard, par où le quartier s'est
étendu), d’autres langues et
d’autres cultures, elles aussi trop souvent passées sous silence ou
minorées : portugais, turc, berbère, etc.
Le travail, conduit sous la
responsabilité de Jean-Pierre Cavaillé, Baptiste Chrétien et Jean-Cristophe Dourdet, est
effectué dans le cadre des activités de l’association Calandreta
Lemosina, qui a créé et gère l’école bilingue (français/occitan),
laïque et gratuite, installée précisément, depuis 2003, 19 route de
Toulouse, et en partenariat avec
l’association Varlin Pont-Neuf, l'Institut
d'Etudes Occitanes du Limousin et l’association Mémoire Ouvrière
en Limousin.
Réalisation
graphique Evelyne Dourel.
[1]
Nous évitons le mot patois, pourtant d'usage courant. Il
s'agit en effet, comme le dit Yves Lavalade d'un « terme chargé
de mépris si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire, un
jargon de ruraux arriérés. Sur le plan linguistique, tout parler local
qui permet de communiquer est considérer comme une langue »,
(Queu mot de "patois" que beucòp de
Lemosins empluien per
parlar de la linga dau pais. Pertant vaudria mielhs l'eschivar perque es
charjat de mespretz e significa en francés un chaitiu parlar de
toirauds arreirats. Linguisticament qu'exista pas : tot biais de parlar
que permet de platussar qu'es 'na linga), La
lettre du Limousin, n° 68, août 2006, p. 5
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