Entretien avec Marie-Thérèse Duvernet,

Maud Mazeaud (nées Roche) 

et Gabrielle Restoueix (née Deloménie)

Réalisé à l’Atelier Maud, rue du Temple, par Jean-Pierre Cavaillé et Baptiste Chrétien à Limoges, le 6 octobre 2008. Transcription Baptiste Chrétien.

 

Présentations

M-T.D. Je m’appelle Marie-Thérèse Duvernet, née Roche. Je suis née en 1937, j’ai 71 ans.

M.M. Moi je suis Maud Mazeaud, née Roche, on m’appelle Mado. J’ai 70 ans.

M-T.D. (chuchote) : Elle ment, elle a un an de moins…

M.M. Oui mais ça fait un chiffre rond, et puis ça m’habitue…

G.R. Moi je suis née en 1927, j’ai 81 ans. Je m’appelle Gabrielle Delomenie, épouse Restoueix, on m’appelle Gabie, mais Gabrielle ça n’est pas mon vrai prénom, à l’état-civil je m’appelle Andrée.

B.C. Vous êtes toutes nées dans le quartier des Ponts ?

M-T.D. Non, nous nous sommes des pièces rapportées, notre mère est arrivée au Clos Sainte-Marie quand elle a été veuve en 1940, j’avais trois ans et ma sœur avait un an. Nous sommes nées à Boisseuil[1], notre mère était du Mas Gauthier[2]. Gabie, elle, c’est une Ponticaude de souche.

G.R. Ah oui, nous sommes du Clos Sainte-Marie depuis au moins mes grands-grands-parents[3].

B.C. Et jusqu’à quel âge y avez-vous vécu ?

M-T.D. Moi je suis partie à vingt ans, ma sœur à dix-huit ans.

G.R. Moi je m’y suis mariée en 1947, j’y ai élevée toute ma fille, elle s’y est mariée… j’ai quitté le quartier quand mon mari est tombé malade, dans les années 1980. Je suis partie vivre plus de 10 ans à Oradour-sur-Glane.

B.C. Vous avez quitté les Ponts avec regret ?

G.R. Oui, ça a été très dur de quitter le quartier… Vous savez, c’était une famille…

Marie-Thérèse et Maud Roche (col. Roche)

Vue générale du quartier  

M-T.D. Les Ponts, c’était un gros village, Gabie c’était notre couturière, rappelle-toi Gabie quand tu nous avais fait nos robes longues pour aller au mariage en 1950, on était venu nous chercher en voiture, tout le monde était venu voir les petites Roche dans leur belle robe longue qu’on venait chercher en voiture… Un autre fois, à dix-huit ans, je travaillais à Limoges, j’avais été malade chez mon patron, il m’a ramené en voiture, mais tout le quartier disait « - oh la la, la petite Roche, ils l’ont ramené en voiture, elle avait l’air pas bien, mais qu’est-ce qu’il se passe ? », tout le quartier était en émoi…

G.R. Oh oui c’était un village, tout le monde s’entraidait, quand il y avait un mort ou… par exemple quand il y avait une inondation, c’était la rigolade, pas pour ceux qui étaient inondés du reste, mais tout le monde s’y mettait, et les gars du quartier tout comme les pompiers, ils étaient complètement tordus, ça tutait[4] sec…

M.-T D.: Et le père Sandemoy qui était au rez-de-chaussée, qui dormait sur la table dans la cuisine quand il y avait une inondation...

B.C. Est-ce que les personnes extérieures au quartier s’intégraient facilement ?

G.R. Mais bien sur, par exemple mon mari était bellachon[5], deuxième de dix enfants, il avait été placé par son père comme coiffeur à Limoges, mais il était surtout intéressé par le dessin, alors le soir il allait aux Arts Déco à Limoges. Il a travaillé chez le peintre hollandais Vikke Van den Berghe, qui était réfugié ici, et chez lui mon mari a appris à travailler un peu l’émail. Ensuite il a travaillé chez des émailleurs rue des Portes-Ferrées puis rue du Clocher. Quand on s’est marié, c’était l’époque des cabochons, ces petites broches rondes en émail, qui étaient à la mode, alors il s’y est mis, il s’est mis à son compte rue de Belfort. Mais au début heureusement qu’on vivait chez mes parents, parce qu’on aurait crevé de faim… Et puis ensuite c’est devenu un grand émailleur, Meilleur Ouvrier de France. Alors on a eu des ateliers et des boutiques un peu partout dans Limoges, mais on est toujours resté vivre au Clos, rue Traversière, où on occupait l’ancienne maison de ma grand-mère que l’on avait fait refaire. Et mon mari, qui ne connaissait pas cette ambiance de quartier, au début, quand mon père l’amenait jouer à la belote au bistrot, il était épaté, il adorait cette ambiance où tout le monde se connaissait… Même si parfois certains buvaient trop et se disputaient un peu à cause d’une partie de cartes… Mais ça fascinait mon mari ça, cette ambiance…

B.C. Comment fixez-vous les limites du quartier ?

M-T.D. Les Ponticauds, c’était entre le Pont Saint-Étienne et le Pont Neuf !

J-P.C. Et ceux du Port du Naveix, ils se considèrent aussi comme des Ponticauds…

G.R. Oh c’était peut-être des Ponticauds… Ils ont bien essayé de faire comme nous, avec Les Enfants de la Vienne[6], ils organisaient des frairies aussi, mais ils n’arrivaient pas à la cheville des vrais Ponticauds, des Marins du Clos…

B.C. Les limites du quartier des Ponts sont toujours difficiles à fixer pour nous...

G.R. Il y a eu des légendes que j’ai entendu dire par ma grand-mère. C’est-à-dire que sur le pont Saint-Étienne, est-ce que vous avez remarqué qu’il y a une énorme pierre ? Bon, alors sur cette pierre, alors là je vous parle de quelque chose que je n’ai pas connu, ça vient sûrement même de plus loin que ma grand-mère... cette pierre là c’était la limite entre Limoges et le reste. A cette époque, tout le monde s’enterrait à Louyat[7], Les cercueils, quand ils arrivaient en voiture des Ponts ou de Panazol, on mettait ce cercueil sur la pierre et il y avait une autre voiture, qui venait de la ville, qui le prenait pour le mener au cimetière, et qui allait l’enterrer... on ne passait pas cette limite de la grosse pierre...

J-P.C. Alors dans ce quartier des Ponts, c’était vraiment la vie en communauté ?

G.R. Moi j’avais toujours quelqu’un chez moi !

M-T.D. Mais tu étais logée grandement ! Nous, comme beaucoup, on était à quatre dans deux pièces, sans commodités, sans eau, on allait chercher l’eau sur le clos Sainte-Marie, parce qu’on habitait rue Traversière. Chez nous, il a fait tellement froid un hiver que la bassine d’eau, que l’on mettait sous l’évier, avait gelé ! Pour vous dire qu’on vivait un peu dans la misère, alors avec les autres on se voyait surtout dehors, on s’invitait peu...

B.C. Mme Restoueix, vous aviez conscience étant jeune d’être plus riche que la moyenne du quartier, d’être favorisée ?

G.R. Oui j’en avais conscience, mais il n’y avait pas de jalousie, les autres ne nous en voulaient pas qu’on soit plus riches...

 

La famille Roche en promenade quai du Clos Sainte-Marie. Col. Roche

Figures du quartier

B.C. Pouvez-vous nous parler de quelques figures du quartier ?

G.R. Il y avait le père Leboutet, qu’on appelait Poupounou, c’était le frère de ma grand-mère, sa femme tenait une épicerie. C’était mon oncle et ma tante quoi...

M.M : Et sa femme c’était ma gardienne quand j’étais petite !

G.R. Alors le Poupounou, il buvait beaucoup... Et pour aller au bistrot, il volait de l’argent dans le tiroir-caisse de l’épicerie de sa femme. Mais le tiroir couinait, alors comme sa femme le surveillait depuis la boutique, elle l’attrapait souvent ! Un jour, pour couvrir le grincement du tiroir-caisse, il s’est mis à tousser, tousser, fort... Mais ma tante est arrivée, et elle lui a crié « Poscha, cònaud, mas beu de l’aiga ![8]»

Il y avait aussi la Bélou et la Lilie, deux lavandières connues du quartier. Elles montaient me voir après le travail, quand j’étais enceinte. Et puis il y avait le Frédo, le chien de la Bélou ! Elle lui disait toujours « Frédo, viens là que je te cherche tes puces... »

M.M : La Bélou, c’était la plus coriace des lavandières ! La Lilie était plus douce...

G.R. La Bélou, c’était une Polonaise, d’après ce que je sais, et elle a du être abandonnée, je sais pas, toujours est-il qu’au début elle n’a vécu que chez mes grands-parents, les Deloménie, chez ma grand-mère lavandière. Et puis elle s’est mariée avec un nommée Gorce. Le Gorce en question, il travaillait dans la chaussure, mais il était toujours malade (rires)... bon bref, alors il était toujours malade, mais le dimanche, il allait à la coopérative, à l’Union, parce qu’on y buvait bien ! Alors le dimanche soir, la Bélou l’attendait sur le pas de la porte, elle attendait toujours son mari... ils habitaient un genre de grenier, auquel on accédait par un vieil escalier. Tous les dimanches soir, il tenait sa cuite ! Quand il voyait, au loin, la Bélou qui l’attendait devant la maison, il prenait un chemin qu’il y avait par derrière, dans la rue Traversière, Alors elle faisait vite le tour pour le rejoindre et elle lui criait: « Monte, gros porc ! », alors il montait l’escalier, elle montait derrière lui, et il lui disait « Bélou, aide-moi ! ». (rires) Quand on était gosses, on allait au bas de l’escalier et on écoutait, elle hurlait « Fumier ! Gros porc !... », c’était vraiment unique ! (rires)

Le Gorce, on l’appelait Costaud, il adorait les enfants bien qu’il n’en ait jamais eu. Et ces deux-là ont pour ainsi dire élevé Poutou, parce qu’ils vivaient au dessus de chez ses parents... Gorce faisait une soupe, j’ai jamais pu retrouver une soupe au chou aussi bonne, jamais ! Avec du lard qu’il écrasait, du gros sel... Moi, il m’appelait la Babissou, je sais pas pourquoi... Tous les jours il m’apportait de sa soupe. Il faisait beaucoup la cuisine pendant que sa femme travaillait. Lui, il ne sortait presque jamais, presque que le dimanche.

J-P.C. Et la Bélou, c’était donc une Polonaise ?

G.R. De ce que j’en sais, oui. Alors je sais pas comment elle est arrivée dans ce quartier, elle crevait de faim la pauvre, donc elle mangeait chez ma grand-mère et elles sont toujours restées camarades... La Bélou, c’était vraiment un personnage !

Une fois elle avait fait un pari, à l’époque où il y avait le Coop dans l’avenue du Sablard, et je ne sais pas comment ça s’est fait, j’était petite, c’est ma grand-mère qui me l’a raconté : elle n’était pas encore mariée avec le Gorce, avec Costaud, et elle avait décidé qu’elle irait en chemise de nuit et pieds nus, avec seulement une ombrelle, jusqu’à Coop ! Elle avait fait ce pari, et elle l’a tenu !

Et puis vous savez, la Bélou, elle était connue dans tout Limoges, avec son chien Frédo, elle était connue de tous les bouchers, elle payait jamais rien, elle passait partout ! Même chez les marchands de poisson.

M-T.D. Et je me souviens le jour que son Frédo était constipé, quel cirque ! Alors elle lui a fait un suppositoire avec un bout de savon qu’elle a trempé dans l’huile, tout un cérémonial ! (rires)

Les dernières lavandières du Clos Sainte-Marie. col. Roche

Les lavandières

B.C. Pouvez-vous nous parler des lavandières, justement ?

G.R. Il y en avait en bas vers le Pont-Neuf, c’était toute une équipe ! Et puis il y en avait d’autres qui étaient en bas, là où était la triperie...

M-T.D. Oui, c’était les nôtres celles-là ! Et puis il y en avait au pont Saint-Étienne, mais peu, la majorité étaient au Clos Sainte-Marie.

G.R. Mais elles se connaissaient toutes. Moi ma grand-mère faisait partie des sérieuses, parce qu’il y en avait qui étaient dans le bas là, elles y allaient au biberon ! Elles avaient froid, alors elles buvaient du café, mais il y avait parfois plus de goutte dans la tasse que de café...

B.C. Comment parlaient-elles ?

G.R./M-T.D./M.M.: Entre elles, elles parlaient patois.

M-T.D. Et à nous elles nous disaient bien « Barra ta gòla ! [9]», parfois... Elles avaient un langage fleuri...

B.C. Et comment se faisaient-elles leur place au bord de la rivière ?

G.R. Ça se transmettait de mère en fille. Et quand une nouvelle arrivait dans le quartier, on lui donnait une pierre, son bachou et son battoir. Alors bien sûr elles se contrariaient des fois...

Le lundi on livrait. Chez ma grand-mère, il y avait une énorme table où elle mettait le linge qui était sec et elles le pliaient. Et en rentrant de la livraison elles rapportaient le linge sale. Le mardi on triait le linge sale. Et le mercredi elles faisaient bouillir, dans la buanderie.

D’abord, elles allaient à la pierre et savonnaient tout le linge sale. Elles enlevaient les plus grosses taches. Mais elles ne le rinçaient pas. Elles le mettaient de côté dans un seau et elles le laissaient tremper. Après une ou deux journées de savonnage, ça allait à bouillir. Pour bouillir, vous aviez un cuveau, une grande cuve avec un robinet. Là il y avait un grand bac en fonte. Là-dessous il y avait le feu qui faisait bouillir l’eau dans le cuveau. Elles y mettaient le linge avec du savon.

Plusieurs fois le même circuit...

Quand c’était fini, que l’eau était froide, elles sortaient le linge du cuveau avec de grosses pinces qu’elles avaient, et elles allaient rincer le linge, le laver à la rivière. Et ensuite ça séchait sur les fils, au bord de la rivière, ou alors quand il pleuvait c’était dans les greniers, sur les grosses poutres en bois.

J-P.C. Elles étaient instruites ces lavandières ?

G.R. Oh la plupart oui, elles savaient écrire et compter, elles lisaient le journal...

B.C. Et donc elles parlaient patois, on parlait patois aux Ponts ?

G.R. Les lavandières surtout, mais mes parents n’ont jamais parlé patois à la maison, c’était du temps des grands-parents ça...

M-T.D. Nous on avait de la famille à la campagne, vers Feytiat, là-bas tout le monde parlait patois, mais aux Ponts, ça s’était perdu...

G.R. Mes grands-parents se parlaient patois entre eux, mais mon père ne le parlait pas, il le comprenait c’est tout, comme moi du reste... A notre époque, c’était surtout les gens de la campagne qui venaient s’installer aux Ponts qui le parlaient encore. Mais les blanchisseuses parlaient patois. J’ai vu, combien de fois, la Lilie était grosse, alors la Bélou lui disait « Gròssa vacha, tu te resvelhas ?[10] ». C’était surtout quand elles s’engueulaient...

B.C. Et votre père ne le parlait pas du tout, même avec les commerçants qui venaient de la campagne ?

G.R. Oh non pas du tout, il travaillait chez Citroën. Il le comprenait bien mais il ne le parlait pas, comme moi...

 

Marchands ambulants

B.C. En parlant des commerçants, vous vous rappelez des marchands qui venaient dans le quartier ?

G.R. je me rappelle des laitières qui venaient dans le quartier. C’était la bonne vie quand elles venaient du reste, parce qu’on avait de bonnes crèmes, et du bon lait, et des œufs...

M-T.D. Il y avait la mère Faucher qui venait avec son vieux tacot, vendre ses légumes.

G.R. Il y avait les Coussoux qui vendaient leur porcelaine déclassée, ils habitaient vers les Casseaux.

Et puis il y avait un marchand de poisson qui venait de Panazol.

M-T.D.: Moi je me rappelle des marchands de peaux de lapin, des ramasseurs de vieux chiffons... Ils se faisaient quelques sous. Alors il y en a un qui passait, et il chantait « Y’a-t-y des chiffons, des peaux de lapins à vendre ? ».

G.R.: Et ils chantaient aussi « Lapins peaux, peaux d’lapins peaux... » (rires)

M-T.D. Quand on avait des peaux de lapins ou des chiffons à vendre, ils nous les achetaient... On élevait des lapins dans les jardins et quand on les tuait, qu’on les mangeait, on mettait les peaux sur un morceau de bois, pliées, ça les tendait bien, on les faisait sécher retournées, et on les vendait...

G.R. Moi, j’avais le père de ma mère, le père Mérigou, qui était colombophile. Il élevait des pigeons. Et jamais il n’en mangeait, ils mourraient de vieillesse ses pigeons ! Il avait une volaillère. Au dessous, c’était comique, ma grand-mère élevait des poulets. Mais il y avait des gros rats d’égouts, quand elle les faisait couver c’était tout bouffé par les rats... (rires)

 

Marins du Clos devant leur local au Clos Sainte-Marie. Col. L. Meynieux

Fêtes et activités

B.C. Que faisiez-vous le dimanche, vous alliez vous promener ?

M.M.: Nous on allait dans notre famille, à la campagne...

G.R. Moi c’était le bal, le cinéma...

M-T.D. Et étant petites, on faisait les zizis de chez Legrand, ça nous rapportait un peu de sous... A une époque aussi on mettait les estampilles Limoges sur des petits objets en porcelaine qui étaient très à la mode après-guerre, c’était comme des calques qu’on mettait dessus, ça nous faisait quelques sous aussi...

B.C. Et les fêtes, les frairies ?

G.R. Au moment des fêtes, quel monde ! Mais c’était somptueux leurs frairies, avec peu de choses, ils ne demandaient rien, pas de pognon, rien ! Ils demandaient juste les radeaux à la ville, pour faire des scènes sur l’eau. Ils décoraient leurs barques eux-mêmes. Et puis il y avait les concours de natation...

M-T.D. Il y avait le plongeoir, c’est là-bas qu’on a toutes appris à nager. Alors quand on nageait on voyait les petits « colombins » flotter...

G.R. Bé oui il n’y avait pas trop d’hygiène en ce temps-là, on vidait les seaux dans la Vienne ! Je me rappelle ma grand-mère, tous les matins avec son battoir, qui poussait la merde, les « colombins »...

J-P.C. Et qui vous a appris à nager ?

G.R. Moi c’est Poutout qui m’a appris. Aux Marins du Clos !

M.-T.D. Et nous c’est notre mère qui nous a appris, les uns après les autres...

G.R. Mais les vieux ne savaient pas nager, ils n’allaient jamais à l’eau... Moi mon père ne savait pas nager ! Les vieilles non plus ne savaient pas nager... elles pouvaient manier une barque pour faire du sauvetage par exemple, qu’elles dirigeaient avec un comte[11]... D’ailleurs les hommes maniaient bien la barque, pour faire des battues, la nuit, avec l’épervier... Ils se suivaient à deux ou trois et vrrrao !, ils jetaient leurs filets... Et puis ils vendaient les poissons aux halles ou dans les hôtels, les restaurants... Ils faisaient souvent ça au clair de lune, puisque pour pas se faire repérer, ils évitaient de s’éclairer à la lampe... Mais les policiers les chopaient quand même parfois ! Enfin, en donnant quelques poissons aux gendarmes... Et puis c’était facile de se sauver pour eux, au clos Sainte-Marie, il y avait des petits chemins partout et des couloirs qui montaient dans les maisons... Ils descendaient, prenaient la barque, faisaient vite un tour avec l’épervier et hop, ils s’enfuyaient vite par les chemins. Les gendarmes avaient pas le temps d’intervenir !

B.C. Et vous nous parliez des fêtes, quelle était la plus belle ?

G.R. La fête des Ponts ! Il y avait des bateaux fleuris, il y avait de la lutte, des danses folkloriques... tout ça c’était le samedi. Et puis le dimanche, il y avait le grand concours de pêche, moi la première j’y allais, avec le Roland Dumonteix, le petit-fils de la Lilie, on mettait nos plus belles robes, les garçons avaient leurs cagnottes, nous on avait des petites corbeilles de fleurs, on vendait nos fleurs en suivant le cortège des pêcheurs, qui partaient de la mairie et descendaient à la Vienne. Il y avait de la musique, les Gueules Sèches[12], ou alors la fanfare municipale, Mon père était du reste un des créateurs des Gueules Sèches. Alors on mettait en bas des piquets avec des numéros et les « commissaires » passaient pour compter les poissons. Ça pêchait depuis le Pont Neuf jusqu’au Pont Saint-Étienne, voire plus haut des fois ! C’était vraiment de belles journées !



[1]     Commune située à quelques kilomètres au sud de Limoges.

[2]     Village situé entre Boisseuil et Feytiat, sa commune de rattachement, connu jadis pour ses nombreux et réputés vanniers.

[3]     Arrière-grands-parents.

[4]     Ça tutait : ça buvait

[5]     Bellachon : originaire de Bellac, à 45 km au nord de Limoges.

[6]     Société nautique créée en 1907 par Louis Goujaud au Port du Naveix, entre le Pont Saint-Etienne et les Casseaux.

[7]     Louyat, le plus grand cimetière de Limoges.

[8]     Dit en occitan : « Tousse, couillon, mais bois de l’eau ! »

[9]     « Ferme ta gueule ! », en occitan.

[10]    « Grosse vache, tu te réveilles ? »

[11]    Perche utilisée pour faire avancer et diriger une barque.

[12]    Fanfare historique de Limoges, créée en 1922 par Pierre Desnoyers et quelques amis, pour redonner de l’ambiance au carnaval de Limoges après-guerre. Le groupe existe toujours en 2009.

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bibliographie

Sommaire

1 –  Présentations

2 –  Vue générale du quartier

3 -–  Figures du quartier

4 – Les lavandières

5 – Marchands ambulants

6 -  Fêtes et activités

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