Martial Desmoulins

les souvenirs et les réflexions d’un ponticaud militant anarchiste

 

Nous remercions tout spécialement Gilbert Roth des archives du Centre International de Recherches sur l'Anarchisme de Marseille, sans lequel cette page n’aurait pu être réalisée.

 

Présentation de Martial Desmoulins[1] :

Martial Desmoulins naît le 12 mai 1890 au pont Saint-Martial (5 rue de la Roche ) et le choix de son prénom ne semble donc nullement fortuit. Il fréquente l’école religieuse Sainte-Marie des Jacobins et l’école du pont Saint-Martial. Après son certificat d’études, il devient, à 13 ans apprenti coupeur dans une petite usine de chaussure. Après une période d’un an d’inactivité il entre dans une grosse fabrique de porcelaine et commence à fréquenter le groupe libertaire de Limoges, distribuant l’un de ses premiers tracts intitulé « Les ouvriers n’ont pas de patrie ». La Direction de l’usine le met en demeure de cesser ses activités : il quitte l’usine et trouve du travail en 1906 dans la chaussure, chez Sylvestre-Vincent, et adhère au Syndicat des Cuirs et Peaux dont il devient un militant assidu. Il fait son service militaire entre 1911 et 1913 (le service était de 26 mois) et trouve un emploi dans une fabrique de tiges, puis un autre à l’usine de chaussures Fougeras, la même année. Élu trésorier de son syndicat. Vient la guerre : après trois ans en première ligne il déserte au cours d’une permission fin 1916, se réfugiant à Marseille puis en Espagne, où il retrouve d’autres déserteurs et insoumis. Il regagne cependant la France sous une fausse identité en 1921, mais il est arrêté et incarcéré en 1923 à la prison militaire du fort Saint-Nicolas; puis libéré et amnistié en 1926. Il revient alors à Limoges, après 10 ans d’exil, mais retourne vite à Marseille (1927)[2]. Il s’ensuit une vie de militantisme anarcho-syndicaliste associée à une activité de V.R.P. dans la chaussure. Retraité, il se consacre au Syndicat des Vieux Travailleurs affilié à la C.G.T -F.O

En 1975, il a signé plusieurs articles dans la revue de la CNT  française (CNTF) publiée à Toulouse, Espoir, dans lesquels, entre autres choses, il se remémore sa jeunesse ponticaude.

Il intervient d’abord les 9 mars et 16 mars 1975 avec un article consacré à l’adaptation télévisée du célébrissime roman d'Emmanuel Clancier, le Pain noir. Il se trouve en effet, que selon l’auteur lui-même ( La Vie Quotidienne en Limousin au XIXe siècle) Martial Desmoulins fut l’ami du personnage réel qui servit de modèle au Francenet du roman.

 

Télévision : le Pain Noir 

« … nous aurions aimé revoir notre vieux pont Saint-Martial et les ouvriers qui, après leur journée de travail, venaient y prendre le frais, en discutant des événements politiques tout en se moquant de ceux rentrant chez eux. A cette époque, de 1900 à 1914, l’ouvriérisme s’impose, le syndicaliste parfait ne porte pas de faux-col, un foulard blanc autour du cou (en 1917, j’ai trouvé cette mode chez les ouvriers catalans). L’on se moque de l’individu s’il est trop bien fringué. On lui donne du « Adi Mélou »[3], l’on doit répondre « Adi énoussin »[4], sinon l’on passe pour un orgueilleux. Les réponses sont accueillies par des rigolades. L’on a fait des Ponticauds des violents, des méchants, ce qui était faux.

            La Vienne , à nous les jeunes, était notre domaine ; à partir du 5 à 6 ans, le petit Ponticaud y passait une partie de ses jeudis et dimanches à la bonne saison, nous nagions tous comme des poissons. Quelques anciens n’ayant jamais voulu aller en usine se défendaient par la pêche et le ramassage du sable.

*

**

            Serge Moati a oublié les lavandières qui, d’une rive à l’autre, s’interpellaient en notre dialecte : « Adi Maria », « Adi Mimi », « Coumo vas-tu ? ». Un métier pénible que faisaient ces Ponticaudes, à une époque où tout se faisait à la main : laver le linge à la rivière, par tous les temps, à genoux dans un baquet de bois (bachou), dix à douze heures par jour suivant les saisons, le séchage des lessives, le repassage, la livraison des clientes, des pimbêches qui souvent rechignaient devant la note à payer. Je connais bien tout ça car ma mère était aussi une blanchisseuse, qui malgré sa fatigue m’accueillait  toujours gentiment, avec tendresse, lorsque je revenais du travail. Espoir, 16 mars 1975

 

Le Pont Saint-Martial vers 1900. Col. Andrée Desjariges

 

Le 25 mai et le 1er juin de la même année, dans la même publication, Martial Desmoulins, revient sur le quartier avec un nouvel article : 

« Le Limousin et la vie ouvrière au XIXe et au XXe siècles »

Le petit papier que j’ai pondu à propos du film Le Pain noir que Serge Moati a tiré du roman en quatre volumes de Georges Clancier, m’a valu quelques lettres ; je ne croyais pas que l’hebdomadaire syndicaliste Espoir soit aussi lu dans la région niçoise et cannoise.

Ces camarades me posent des questions parfois embarrassantes me demandant la signification de mots, l’étymologie de noms usités en langue limousine, pensant sans doute que je suis un savant de la langue occitane. Non, je ne suis pas un félibre, et si parfois j’ose écrire en limousin, je le fais au « pifomètre », me souvenant comment je le parlais avec mes grands-parents, mes parents, mes amis d’enfance. Je suis tout simplement amoureux du passé, du pays, de la ville, du quartier où je suis né, et si dans ce compte rendu assez bref j’ai parlé du monde ouvrier et paysan, c’est parce que mon quartier, le Pont-Saint-Martial, fut pendant longtemps un agglomérat de deux races bien distinctes : l’une, ouvrière avec ses défauts, sa mauvaise réputation, son ouvriérisme révolutionnaire, son humanisme libertaire, ses revendications économiques et sociales ; l'autre paysanne, vivant comme au Moyen-Age, avec des qualités d'économie, de travail, de lenteur à comprendre, sa haine des partageux, des communards, sa croyance religieuse, ses résignations devant les nantis, les curés, les patrons, la police, la peur du lendemain.

 

Exode des paysans vers les villes

Chaque année, à la Toussaint , les « Ponticauds » du quartier Saint-Martial, nom que les gens de la ville donnaient aux habitants des faubourgs des bords de la Vienne (qui prend sa source au plateau de Mille-Vaches et se jette dans la Loire ), voyaient descendre par la rue de la Roche une caravane de charrettes tirées par des vaches, elles faisaient halte devant le n° 5 où je suis né, à trente mètres du vieux pont romain ; dans ces charrettes, peu de meubles, une commode datant de Louis XIII, héritage que des générations de paysans se repassaient, un lit, des paillasses, quelques chaises, des fagots de bois et sans doute, une provision de porc salé.

            Les nouveaux venus avaient loué une ou deux chambres dans le quartier qui souvent abriteront sept à neuf personnes, les parents, les enfants et la vieille grand-mère. Du troisième étage il fallait aller chercher l’eau à la fontaine publique, aussi on l’économise, pas question de prendre une douche chaque matin. En 1908, les mutuellistes[5] feront construire des bains-douches tout à côté de la préfecture, 20 centimes la douche, savon et serviette ; le samedi, les gens font la queue de 19 à 21 heures. C’était un copain libertaire qui donnait les cabines, il y en avait une trentaine, l’on ne pouvait y rester que vingt minutes. Les municipalités réactionnaires, radicales et sociales n’avaient rien fait pour l’hygiène ouvrière, pas même l’eau courante dans les maisons.

            « Los retretes », je ne dis pas les toilettes, car les Ponticauds auraient bien rigolé si l’on avait affublé leurs « chiottes » du nom de toilettes, trois pour une cinquantaine de locataires ! Le petit coin se trouvait dans le jardin et pour y aller il fallait faire une centaine de mètre, passer devant des locataires qui s’interpellaient en riant dans leur dialecte, et si je vous disais les mots employés vous penseriez qu’alors nous étions des sauvages ; c’était un langage peu académique mais qui allait droit au but, un chat était un chat. A la maison, le bidet était inconnu. Ce ne sera qu’en 1921 que mon parent, le propriétaire des immeubles, fera installer l’eau courante et que les gens pourront faire leur toilette chez eux.

            A la bonne saison, un nommé Ringué, qui avait des cabines du côté du quai Saint-Martial, faisait paraître dans la presse ou par des affiches l’avis suivant : « Allez vous baigner, l’eau est chaude. » Ce que nous, les jeunes, faisions chaque jour.

[…]  

          Le Pont Saint-Martial un jour de froid. col. particulière

              Les paysans arrivés dans les faubourgs trouveront de l’embauche dans les fabriques de porcelaine et dans le bâtiment qui emploie des manœuvres sans spécialité. Mon père était maçon, il nous racontait la gaucherie de ces braves gens qui n’avaient pas l’habitude de monter, de marcher sur les toits des maisons de quatre ou cinq étages. Mon père, brave homme et socialiste[6], était obligé d’aller prendre lui-même les seaux de mortier quand il réparait une cheminée ou une toiture.

            Les femmes, les jeunes filles devenaient des épousseteuses dans la porcelaine. Elles urinaient de toutes les couleurs, empoisonnées par une poudre répandue sur les assiettes. Généralement, elles mouraient de 30 à 40 ans, les poumons brûlés. Le mari, pour se consoler, devenait un habitué du bistrot. Il y retrouvait des copains, l’ambiance du café plus agréable que celle du logement encombré de gosses, garçons et filles, le pernod, l’absinthe, le pinard, l’alcool, le tabac, la drogue du malheureux prolétaire en 1900. La bourgeoisie, sous  la IIIe République jacobine jusqu’en 1914, ne fit rien pour ces malheureux, tout au contraire, elle les a enfoncés dans l’ignorance et l’alcoolisme pour mieux les exploiter.

*

**

            Au bord de la Vienne, des papeteries et des filatures, une majorité de femmes venues de la campagne y sont employées. Elles touchent 2,30 à 3 francs maximum pour douze heures de travail. L’inspecteur du travail y brille par son absence, les patrons font ce qu’ils veulent, ils sont les maîtres. Le grand-père maternel de ma future épouse, un Lorrain venu comme directeur technique remettre en bonne marche une filature qui flanchait était très dur avec le personnel. Il arrive à de bons résultats, une bonne production, mais comme je lui conteste sa façon de faire envers les ouvriers, il me traite de « Ravachol ». Ce vieux bonhomme mort à 82 ans était un républicain et un patriote comme l’était alors la majorité des Français du Nord et de l’Est. Le 14 juillet, il tirait six coups de feu de son colt et criait « Vive la République  ! », et moi je criais « A bas la calotte, à bas la guerre ! Vive la révolution sociale, vive l’Internationale ouvrière ! » Le vieux jacobin me prédisait qu’avec mes idées, un jour je mourrais sur l’échafaud. Peut-être, sait-on jamais avec les politicards, tous des fascistes pour nous libertaires. Le vieux Guesde disait qu’au lendemain d’une révolution il faudrait d’abord se débarrasser des anarchistes.

            Les paysans sans terre venus à Limoges, croyant y vivre mieux, plus libres qu’à la campagne, y mèneront une vie misérable. Alors qu’à la campagne ils pouvaient faire venir des légumes, élever des volailles, et surtout le gentil cochon […]

            Au quartier Saint-Martial, les épiciers faisaient « cròmps », crédit à la semaine et, bien entendu, majorant un peu la note ; mais petit à petit, écoutant nos conseils, les ouvriers, les paysans adhéreront à la coopérative ouvrière de l’Union de Limoges, qui existe encore, en 1900. Chaque jour passait une voiture pour le pain, que l’on payait avec des bons, et si le sociétaire était malade, en chômage, on lui faisait 30 à 40 francs d’avance en marchandises. Chaque six mois, répartition des bénéfices.

            Georges Clancier nous a montré le désarroi des paysans en venant vivre à la ville, des ingénus débarquant sur une autre planète que la leur, une vie qu’ils ne comprennent pas, fertile en bagarres, en coups de gueule, en saouleries, en grèves. Espoir, 25 mai 1975.  

la voiture à pain de l'union vers 1900. col. J.-P. Della Giacomo 

Hiérarchie des salaires en 1900

            Dans les fabriques de porcelaine, il y avait, il y a encore de nos jours une hiérarchie ouvrière dans les salaires. En haut, les aristocrates ouvriers, les peintres, fileurs, fleuristes, gagnant à cette époque 8 à 10 francs par jour ; ce sont des gens ayant une bonne culture sociale, adhérant aux partis socialistes qui n’avaient pas encore fait l’unité, tous aussi un peu bohèmes. Un de mes amis d’école, fin dessinateur, crée des modèles et il vend aux fabricants, lorsqu’il a de l’argent devant lui il fait rentrer chez ses parents un an d’alimentation et de vin, ensuite il se promène, va au théâtre, fréquente les filles. Nous étions une douzaine de copains de son acabit nous proclamant anarchistes, trouvant que la vie n’était pas seulement faite pour bosser pour les patrons.

            Mon copain avait une belle voix et sa chanson favorite était :

Elle était née dans un garlot,

C’était la fille d’un anarcho.

Elle était belle, belle comme le jour, etc.

            Les nouveaux débarqués, les « bicanards », sont employés dans les fours aux travaux les plus durs, les plus dangereux, comme ététeurs-manipulateurs, ils se brûlent les mains, les moustaches, car les gazettes sont encore rouges ; on les passe à de jeunes garçons de 13 à 15 ans qui les emportent à des vieux qui sortent les assiettes des gazettes. Je connais ce boulot car je m’étais embauché dans cette fabrique Charles Haulart (4000 ouvriers) pour y distribuer des tracts néo-malthusiens et anarchistes[7]. En 1906, cette usine de porcelaine a disparu, c’est une usine de chaussures (Héraud) qui la remplaça […].

            Dans la chaussure, la vie est moins dure, moins tragique, tous sont des ouvriers qualifiés, il y a du travail tout fait à la main, à côté des machines. Les coupeurs, que l’on surnomme « messieurs les coupeurs », sont les aristocrates de la corporation.   En 1905, ils étaient 1200 à 1500, tous syndiqués, des socialistes, des anarchistes qui se bouffent un peu le nez[8]. Mais ce sont eux qui mènent la classe ouvrière dans les usines, dans les syndicats, dans les mutuelles, caisses de secours. Par les coopératives de production et de consommation ils veulent changer la société capitaliste par une société socialiste, car à cette époque le syndicaliste parfait était apolitique, mais la Charte d’Amiens et la guerre de 14-18 ont ruiné toutes leurs espérances. Espoir, 1er juin 1975.

Martial terminait cet article par la note suivante : « Prochainement, je vous parlerai de la langue limousine, que les jacobins de la IIIe République essayèrent de faire disparaître, mais dans nos campagnes, comme dans les faubourgs l’on y parle toujours cette vieille langue gallo-romaine ». L’article paraîtra le 6 juillet 1975 de la même année. Nous en publions des extraits car ses vues sur la langue, dans le contexte du militantisme occitaniste des années 70, ne manquent pas d’intérêt. En outre, Martial y évoque la présence du limousin lors des manifestations du 1er mai au début du siècle.  

L’influence de la langue limousine en Occitanie

            L’occitanie, c’est le Limousin, l’Auvergne, le Dauphiné, le Languedoc, la Guyenne, la Provence, la Catalogne « hasta Valencia ». En son temps, notre camarade Carbo avait fait paraître un article sur la langue « lemosina » dans la Revista Bianca , en s’appuyant sur L’Homme et la Terre d’Élisée Reclus qui avait écrit qu’un prince limousin devenu roi de Valence y avait imposé sa langue.

            Quelle est la place du dialecte limousin dans la langue d’oc et sur quel territoire est-il parlé ? Parmi les quatre principaux dialectes de notre langue, le limousin se classe dans le Nord occitan (Averno-Limousin). Ce groupe se distingue de l’occitan proprement dit, du catalan et du gascon par certaines formes particulières, par exemple : chantar au lieu de cantar, préjar au lieu de prégar [sic]. Le limousin se subdivise lui-même en quatre sous-dialectes : le bas-limousin, le haut-limousin, le marchois, le périgourdin.

            Le réveil littéraire a commencé au milieu du XIXe siècle. Un nouveau troubadour, nommé Joseph Roux, composa la Chansou lémosina ; cette œuvre a eu la même influence que Miréio en Provence. L’entrée du limousin dans le Félibrige date de 1892.

            Le haut-limousin a donné de bons patoisants, chansonniers, conteurs de « niorlas ». Chaque année, au 1er mai, nous, syndicalistes, nous organisions au cirque en bois place Jourdan une manifestation en souvenir des martyrs de Chicago. Des chansonniers prêtaient leur concours, entre autres un nommé Mazabraud, auteur de Lo Bruanço petite rivière qui se jette dans la Vienne. Bien d’autres poètes chantaient « Le plus beau pays de la terre ».

            « Lous prasly son couverts de bravas flours,

            « L’aseuly chanto so romanço », etc.

            Quelques petites revues hebdomadaires et mensuelles paraissaient en langue limousine, entre autres Lou Galetou, et en 1959-60 un nommé Dexet faisait paraître une belle revue intitulée Panajo [sic]. Dommage que ce camarade n’ait pas continué, j’en possède encore quelques numéros bien rédigés en notre langue.

[…]

La République catalane

[…]

Réublique à Madrid, République à Barcelone. Le premier président de la République catalane fut un nommé Maciás, célèbre par ses démêlés avec la police espagnole et par son complot manqué avec un Garibaldi. Il va accueillir les félibres du Midi de la France en leur disant : «  Nosotros de la llengua llémousina ». Il se dépêchera de mourir. Le second président, nommé Companys, qui avait été un des avocats de la C.N.T. catalane, centrale anarcho-syndicaliste, vivra les événements de 1936-39, il sera arrêté pendant la guerre de 1939-45 par les nazis qui le fusilleront à la grande joie de la réaction et de la curaille ibérique. Une revanche de Madrid la fasciste contre Barcelone de langue d’oc, la libertaire, la syndicaliste révolutionnaire, la rebelle, l’anarchiste. Certain plumitifs ont écrit que l’Espagne franquiste respecte la culture catalane, cousine germaine de notre occitane, on parle de poésies, de chansons catalanes, rien n’est plus faux : des amis en vacances à Madrid et parlant le catalan furent rappelés à l’ordre par des policiers, leur disant de parler le castillan. […]

Les occitanistes et le centralisme parisien

            Les Méridionaux ont toujours voté à gauche. Ils se sont toujours élevés contre les impérialismes politiques ou religieux, car Paris nous a toujours considéré comme des Français de seconde zone, aussi ne nous étonnons pas si de ce renouveau de la culture d’oc s’élèvent une amertume, des revendications parfois violentes accompagnées de sabotages et de barrages.

            De nouveaux troubadours, la guitare à la main, sillonnent les routes du Midi, chantent dans une langue que les « frenchmen » ne comprennent pas, disant la colère des oubliés, le souvenir des massacrés, dans une langue que les gouvernants croyaient oubliée par les jeunes après le passage à l’école et au service militaire, et les chansons les plus demandées sont celles accusant le roi de France dit Saint Louis, sa mère Blanche de Castille et le pape d’avoir tué notre pays. Vous connaissez l’histoire de la croisade des Albigeois, les barbares du Nord au service des capétiens, de l’impérialisme de Paris.

            Les touristes sont sans doute très étonnés de voir sur les murs, dans une langue qu’ils ne comprennent pas : « Occitania libre » [sic], « Païsan occitan lucha o creba ».

            Un jeune troubadour qui a traduit son nom en langue occitane, Joan Pau Verdier, s’est fait le héraut d’une cause qui a de plus en plus d’adeptes, celle de la langue d’oc, qu’il parlait avec son grand-père, et de l’Occitanie. En juin 1974, ils étaient 6 à 8000 sur le pré des « Cramés » à Montségur (« Dieu est mort à Montségur ») à commémorer le massacre des cathares. Espoir, 6 juillet 1975.  

lettre autographe de Martial Desmoulin, datée du 26 juillet 1914 (collection Alain Magdelaine)



[1] Les données en sont tirées de la notice de René Bianco figurant dans l’édition de son ouvrage : Souvenirs, ou la fin d'une vie, Bulletin du Centre International de Recherches sur l'Anarchisme (CIRA), n° 19-20, mai 1983. Cet ouvrage doit être très bientôt mis en ligne sur le site du CIRA.

[2] Ce bref séjour à Limoges est relaté dans ses Souvenirs (voir n. Précédentes)

[3] « Adiu melon » : « Salut Melon » (sans doute par référence au chapeau melon. ). n. de l’éditeur.

[4] « Adiu einocent » : littéralement « Salut innocent » (« einocent : bêta, débile). n. de l’éditeur.

[5] 90 % des ouvriers avaient adhéré à des mutuelles. La mienne, celle des cordonniers, datait de 1848. Nous avions droit aux soins et aux médicaments gratuits. A cette époque, les ouvriers n’attendaient rien des gouvernements ; maintenant ce sont des esclaves baisant les pieds des gouvernements. (n. de l’auteur)

[6] Humaniste, mon père, soldat pendant la Commune à Narbonne avait fait cause commune avec les ouvriers. En 1905, disciple de Jaurès. (n. de l’auteur)

[7] “Lorsque j’avais 16 ans, je faisais partie du groupe néo-malthusien de Limoges. Nous recevions Génération Consciente et Rénovation Consciente. Dans l’usine de chaussures où je travaillais, je distribuais ces journaux et j’essayais de faire comprendre à des ouvriers ayant souvent 25 ans de plus que moi les bienfaits de ma propagande, la limitation des naissances. Je leur vendais des préservatifs, leur enseignant la manière de s’en servir plusieurs fois. Je me souviens de la marque “nevufs”, 1 F 25 la demi douzaine, et ces pauvres diables rechignaient pour me donner 25 sous, qui les privait d’une chopine de vin rouge, opium de l’ouvrier. Pourtant la C. G. T, en 1910, avait à l’ordre du jour de son congrès de Toulouse, “la limitation des naissances”. Au syndicat des Cuirs et Peaux, malgré l’opposition de certains guesdistes S.F.I.O. qui étaient contre la limitation des naissances pour contrecarrer la C. G. T. Où ils étaient minoritaires, à une faible majorité je fis admettre ma thèse. Puis ce fut la guerre, quelques années plus tard, massacre de toute la jeunesse française, et pour refaire le cheptel humain, la propagande néo-malthusienne défendue sous peine d’amende et de prison”, Souvenirs, op. cit., p. 23.

[8] En 1913-1914, le bureau était composé de trois socialistes et d’un anarchistes de 23 ans (moi) qui syndicalement étions d’accord (Charte d’Amiens). n. de l'auteur

      

 

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