Jules Tintou, La Fête du pont

Saint-Étienne

On trouvera ci-dessous un extrait de l’article de Jules Tintou consacré « aux quartiers ponticauds » concernant la Fête du Pont Saint-Étienne à ses débuts.

 

Groupe d'enfants de la Vienne distribuant les bouquets accompagnés de chars fleuris et de chabretaires, fête du Pont Saint-Etienne en 1913. Col. Jeannette Dussartre

LA FETE DU PONT SAINT-ETIENNE

 

[…] Il est une autre fête, la plus populaire de toutes celles de Limoges, dont la tradition fut reprise de 1906 à 1914 et renouvelée après la Grande Guerre, celle du pont Saint-Étienne, qui a lieu chaque année en juillet.

            Prenons pour exemple celle qui eut lieu à la veille de la première déflagration mondiale. Ce jour-là, dès l'aube, le petit canon du port, sans doute dernier vestige de l'artillerie des défenses de la Cité, par ses joyeuses salves, annonce l'ouverture de la fête.

         Au fait, qu'est devenu le héros de ce « lamento »  entendu chanter sur le mode mineur de la bouche d'un ponticaud ?

Lu  côno  de  notre viei  port

Ne petô  pus,  ô  ei  beleu  mort...

         Peut-être, lui aussi, a-t-il voulu participer à la défense du sol dans les tranchées de la Somme ou de l'Artois vers 1915 ?

            Dans la matinée, une centaine d'enfants et de jeunes filles, «les nymphes du battoir», coiffées du barbichet de leurs mères, les garçons en costumes de marins tout de blanc vêtus, une large ceinture rouge autour de la taille, prennent le chemin de la ville « au doux son des chabrettes » ainsi que l'indique la chanson du jour :

« C'est aujourd'hui  la  fête de  la  Vienne

 Les ponticauds

Sur leurs bateaux

Chantent à perdre haleine

Ce gai refrain qui célèbre en ce jour

La fête des ponts

Filles et garçons

Chantez, chantez toujours... »

            Tout Limoges assiste l'après-midi au défilé des bateaux fleuris où l'imagination et le bon goût des ponticauds se sont donnés libre cours : ce ne sont que gondoles, voiliers, et même un sabot, admirablement décorés.

            Ces mêmes bateaux, nous les reverrons la nuit venue, brillants des mille feux de multicolores lanternes vénitiennes, ravivés par les fusées colorées d’un feu d'artifice, cependant que le vieux pont Illuminé lui aussi par des centaines de ces petites lanternes tremblotantes, se reflétant dans l'eau, lui donne un aspect féérique et irréel.

            Plus lard, l'électricité fournie par l'usine électrique voisine va lui procurer un éclat plus vif, tout en lui faisant perdre beaucoup de sa poésie et de son charme.

         Et, ici comme ailleurs, la fête se termine par des chants et des danses.

            Si les nouvelles danses à la mode, valse, polka, mazurka, prennent progressivement chez les jeunes la place des bourrées, pelelé et autres anciennes danses limousines, les vieux s'adonnent toujours à la danse rituelle spéciale des Naveteaux, consistant en petits pas rapides alternatifs d'avant en arrière : « la tratra ».

        

Jules Tintou, « Les Quartiers des Ponticauds à Limoges », Lemouzi, n° 79 bis, 1981, p. 34-35.

"... et même un sabot". Bateau décoré pour la fête du Pont Saint-Etienne (1909)

col. Jeannette Dussartre

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