Les
vicissitudes de l'Abbessaille entre
1863 et
1906
Article
de Pierre Charbonier, L’Abbessaille, Limoge Illustré, 1er
avril 1906, p. 2082-2084.
L’ABBESSAILLE
On donne
au pittoresque
quartier que
fut l’Abbessaille
les derniers
coups de
pioche et,
rêveur, je
songe aux
vers harmonieux
de notre
excellent poète
limogeois, Édouard
Michaud
:
C’est une pauvre
vieille au
soleil accroupie
Devant
la Vienne
lente où
sonnent les
battoirs,
Parmi
ses huis
élevés de
primitifs heurtoirs
Et
ses petits
jardins où
quelque chatte
épie.
Privilège
des mots
! Ces
quelques lignes
me rendent
la rue
maison par
maison en
allée. Je
revois les
bicoques branlantes
aux silhouettes
incertaines; ces
pampres qui,
partis petit
jardin du
poète, allaient
s’accrocher aux
torchis espacés
; je
vois aussi
la chatte
épiant un
passereau ou
gobant de
ténus moucherons;
et les
portes avec
leurs marteaux
centenaires
mangés de
rouille, je
les revois
aussi. Et
une mélancolie
me vient
à penser
que cela
entre dans
le définitif.
Mais la
chanson dont
j’ai chanté
le couplet
initial s’empare
de mon
âme ;
elle se
fait câline
et lasse,
et sa
lassitude est
de la
résignation. Je
me résigne
comme elle,
et l’Abbessaille
me reste
magnifiée d’impuissant
regret et
plus belle
à travers
le prisme
de mon
souvenir.
De
tes greniers
la perche
sort son
maigre bras;
C’est
là qu’on
fait sécher
le linge
aux brises
molles.
Pour
un jour
éternel de
fraîches banderoles
Et
d’ostensoirs portés
par des
clercs aux
fronts ras,
Il
semble, sont
tendus ces
nappes et
ces draps.
Et l’on
souffre à
penser que
la pioche
et la
pelle
Rompront
le charme
ancien de
ce lieu
primitif,
Et
que nos
fils bientôt
n’y verront
plus, actif,
Le
métier sec
répondre au
battoir qui
l’appelle
Et
les draps
transformer une
rue en
chapelle.

gravure
de Léo Drouyn 1863, utilisé pour illustrer l'article de P. Charbonnier
***
Nous donnons
ci-dessous une
description de
l’Abbessaille avant
sa démolition,
par M. Henri Ducourtieux
(Almanach Limousin
de 1863)
:
«...
la gauche
de la
rue Saint-Etienne,
en suivant
les rues
Saint-Domnolet, des
Roches et
le quai
de la
Vienne, constitue
ce qu’à
Limoges on
nomme encore
l’Abbessaille. C’est
un pêle-mêle
de constructions
moitié cage,
moitié masure,
étagées en
escalier, coupées
de ruelles
et d’impasses
tortueuses, malpropres,
enchevêtrées comme
les couloirs
d’un labyrinthe
antique.
» A
côté et
un peu
en retrait
s’élève le
Séminaire diocésain
ancienne abbaye
de la
Règle. Il
se compose,
indépendamment
de la
chapelle, d’un
bâtiment principal,
flanqué de
deux ailes
en avant-corps,
précédés d’une
terrasse, vaillamment
conquise sur
le vide
et que
soutient un
vieux mur
de fortification
tapissé de
lierre, des
flancs duquel
s’échappe en
murmurant
une cascatelle
qui va
se perdre
dans la
Vienne. La
coupole, d’un
goût douteux,
qui se
dessine au
bord de
la terrasse,
abrite une
: statue
de la
vierge-mère, remarquable
d’exécution.
»
Derrière le
Séminaire, qu’elle
domine avec
majesté, s’élève
notre belle
cathédrale gothique,
dont la
partie orientale
se découpe
vigoureusement à
l’horizon avec
sa puissante
ossature,
ses aiguilles
élancées, ses
pignons aigus,
ses gargouilles
grimaçantes, sa
belle tour
romano-gothique, récemment
affublée
d’une sorte
de chapeau
chinois qui
affecte désagréablement
la vue.
»
Toujours à
gauche, et
bornés par
l’avenue du
Pont-Neuf, s’étagent
les splendides
jardins qui
précèdent le
palais épiscopal,
presque entièrement
caché derrière
le massif
de verdure
vulgairement nommé
Jeu-d’Amour.
»
N’oublions pas
la Vienne,
qui se
glisse furtive
et sans
bruit à
travers les
ramiers ou
barrages au
bois, baigne
les quais
à fleur
d’eau du
Naveix et
de l’Abbessaille,
passe sousle
Pont-Neuf comme
une reine
sous un
arc triomphal,
décrit une
courbe gracieuse
en franchissant l’écluse
Constantin, et
disparaît en
courant sous
les arcades
ogivales du
vieux pont
Saint-Martial.
» Nous
avons essayé
de photographier
la physionomie
si romantique
du quartier
extra-muros de
notre vieille
cité ; mais
nous sentons
notre impuissance
à rendre
avec la
plume l’harmonie
des couleurs,
le jeu
de la
lumière, le
mouvement et
le bruit
qui animent
le tableau,
à reproduire
enfin le
caractère
étrange et
pittoresque de
cette Abbessaille,
qui commença
sans doute
par quelques
cabanes de pêcheurs
jetées çà
et là
sur la
rive, gravit,
en se
cramponnant à
toutes ses
aspérités, cent
mètres de
rocher presque
à pic,
et finit
par devenir,
mais lentement,
siècle par
siècle, une
paroisse de
956 habitants.
»
La Révolution
détruisit son
église, transforma
son cimetière
en jardin
potager, chassa
la suzeraine
qui, du
couvent de
la Règle,
lui imposait
la loi;
l’Abbessaille resta
la même,
et, depuis
trois siècles,
ses habitants
n’ont guère
plus modifié
leurs habitudes
que changé
volontairement une
pierre à
leurs habitations
suspendues. »
***
Poète chante sur
ton luth
harmonieux, conteur
débordant d’humour
donne nous
tes impressions,
mais hâtez-vous
tous les
deux de
fixer dans
vos écrits
ce que
fût l’Àbbessaille.
L’Abbessaille se
meurt, l’Abbessaille
s’en va,
emportant avec
elle la
rue du
Rajah au
nom évocateur
de l’Orient,
« ses
huis élevés
de primitifs
heurtoirs »
et ce
« pêle-mêle
de constructions
moitié cage,
moitié masures,
étagées en
escalier, coupées
de ruelles
et d’impasses
tortueuses, malpropres,
enchevêtrées comme
les couloirs
d’un labyrinthe
antique ».
Tou
s’en vai
O
perchai,
L’Abbessaillo
Di
lo jaillo...
Dovan
cauqu’invenci nuvelo,
N’i
oro pu,
lou sei,
de peiteu
Per
cadança lo
ritournelo
amourouzo do
bateu :
« A
moun bateu,
» Jente
peiteu,
» Chanto,
chanto lo
ritournelo
» E
que lo
belo
» E
soun garçou
» S’armounizen
a to
chansou.
» N’ei
co pa
vrai ?
» Noû
soun toû
frai.
» Qi
di lou
mou
» Qu’ei
lou simou
:
» Bateu
» Peiteu
» Lou
meu
» Lou
teu
» Lou
seu.
» Eiman
toû dessoû
loû ceu
».
Dr Pierre
CH...
|
Accueil
Présentation
Témoins
Textes et documents
Images
bibliographie
|